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Le changement climatique deviendra-t-il invivable lorsque la température du globe atteindra 1,5°C ou 2°C?
En 2015, presque tous les pays se sont mis d’accord pour essayer de limiter le réchauffement à 1,5°C à 2°C au-dessus de la moyenne avant l’ère industrielle. Cependant, la planète s’est déjà réchauffée de 1,3°C et les politiques actuelles laissent présager un réchauffement de plus de 2°C d’ici la fin du siècle. Quelles seront les conséquences d’un réchauffement de plus de 1,5°C à 2°C pour la Terre, les communautés vulnérables, et les écosystèmes?
Principaux points à retenir:
- Il n'existe pas de seuil global précis en dessous duquel les risques climatiques sont gérables et au-delà duquel ils sont incontrôlables.
- Chaque augmentation progressive du réchauffement accroît les risques pour les écosystèmes et la société humaine, tout en multipliant les chances de voir la Terre subir des changements fondamentaux.
- Le moment où les risques climatiques deviennent incontrôlables est subjectif, incertain et variera considérablement d'une région à l'autre.
En janvier 2024, la température moyenne du globe sur une période de 12 mois était pour la première fois supérieure de plus de 1.5°C à la moyenne avant l’ère industrielle. Les records de chaleur ont été accompagnés de conditions météorologiques extrêmes dans le monde entier.
Par exemple, les températures ont dépassé 49°C pour la première fois en Afrique du Nord, et ont atteint durant l’automne 39°C en France et 33°C au Royaume-Uni.1 Les températures élevées ont alimenté les feux de forêt qui ont fait rage au Canada, brûlant une superficie plus de deux fois supérieure au précédent record.2
Change in global annual average temperature relative to pre-industrial average,1850-1900
+1.50°C
1.25
1.00
0.75
0.50
0.25
0
1950
1975
2000
2023
Sources: JRA-3Q; ERA5
Des tempêtes ont tué des milliers de personnes et en ont déplacé des millions en 2023. Le cyclone tropical Freddy a tué plus de 1 000 personnes au Malawi et déplacé 1,4 million de personnes en Afrique australe. L’ouragan Otis, qui a tué des dizaines de personnes à Acapulco, au Mexique, a été le plus puissant ouragan du Pacifique oriental à toucher terre depuis des décennies.
Cette période de 12 mois au cours de laquelle les températures moyennes ont dépassé 1,5°C intervient tout juste 8 ans après que l’Accord de Paris a fixé l’objectif de limiter le réchauffement moyen à long terme de la planète bien en dessous de 2°C, avec un objectif de 1,5°C. Le réchauffement de la planète est généralement mesuré comme une moyenne sur plusieurs décennies, de sorte que le niveau de réchauffement de 1,5°C n’a pas encore été dépassé. Toutefois, il semble désormais inévitable de dépasser 1,5°C,3 et les températures devraient atteindre environ 2,5°C d’ici la fin du siècle, même si les pays respectent leurs engagements en matière d’émissions pour 2030.
Quelle est l’importance des objectifs de réchauffement convenus? Que signifierait le franchissement de 1,5°C ou de 2°C en termes d’impacts du changement climatique?
Le réchauffement croissant affecte la santé humaine, l’agriculture et les écosystèmes
Les chercheurs ont constaté que le réchauffement de la planète est à peu près proportionnel à la quantité cumulée de dioxyde de carbone émise. Ainsi, si les émissions de dioxyde de carbone sont deux fois plus importantes, la planète se réchauffera deux fois plus.4
À mesure que les émissions de dioxyde de carbone s’accumulent et que les températures augmentent, les impacts du changement climatique s’aggraveront. Certains risques climatiques physiques se multiplient de manière à peu près linéaire à mesure que les températures augmentent. Par exemple, si la planète se réchauffe deux fois plus, l’augmentation de l’intensité des vagues de chaleur, des pluies extrêmes et des sécheresses devrait être deux fois plus importante.
Si de nombreux aspects physiques du changement climatique augmentent de façon à peu près linéaire avec le réchauffement croissant, les effets qu’ils ont sur les êtres humains et les systèmes écologiques peuvent augmenter de façon beaucoup plus spectaculaire. En effet, il existe des seuils dans la réponse de nombreux systèmes de ce type, au-delà desquels les changements deviennent incontrôlables.
L’homme a évolué pour maintenir une température interne d’environ 37°C, et la transpiration joue un rôle important dans ce processus. Toutefois, lorsque l’air est très humide, ce mécanisme de refroidissement s’effondre car la sueur ne s’évapore pas aussi efficacement.
À mesure que les températures augmentent et que l’humidité augmente, les habitants, en particulier ceux qui vivent dans les zones urbaines proches de l’équateur, seront de plus en plus exposés à des conditions de chaleur et d’humidité dangereuses.5 Cela limitera la capacité de travailler en toute sécurité à l’extérieur, et si le réchauffement se poursuit, des vagues de chaleur qui deviendront trop extrêmes pour survivre sans protection commenceront à se produire à certains endroits.6
L’agriculture est un autre domaine touché par le réchauffement croissant, les conditions météorologiques extrêmes et d’autres aspects du changement climatique. Les rendements de certaines cultures, comme le maïs, devraient diminuer de manière significative en raison du réchauffement accru et d’autres changements climatiques.7 Limiter le réchauffement à 1,5°C pourrait contribuer à atténuer les effets du réchauffement sur les cultures et à renforcer la sécurité alimentaire.8
Le corail au premier plan a subi un blanchiment alors que celui à l’arrière-plan n’en a pas subi.
Les coraux sont des organismes qui forment les récifs et fournissent de la nourriture et un habitat à un quart des poissons de la planète. Lorsque les températures sont trop élevées, les coraux expulsent les algues qui vivent dans leurs tissus, ce qui entraîne le blanchiment.. Si le blanchiment ne tue pas toujours le corail, il le rend plus vulnérable à d’autres agressions, telles que l’acidification des océans.
En 2024, la Grande Barrière de Corail a connu un épisode de blanchiment massif record, où près de la moitié des récifs ont connu des niveaux records de contrainte thermique et où un blanchiment extrême a été observé pour la première fois dans ses trois régions. Les récifs coralliens devraient diminuer de 70 à 90 % si le réchauffement dépasse 1,5°C, et devenir pratiquement inexistants au-delà de 2°C de réchauffement.
Icebergs in the Lemaire Channel, West Antarctica. (Photo: Christopher Michel).
Points de basculement climatiques
Un «point de basculement» climatique est un seuil dans une partie du système Terre au-delà duquel les changements peuvent être abrupts, considérables, auto-entretenus et potentiellement irréversibles. À mesure que la température globale augmente, le nombre d’éléments du système Terre qui risquent de franchir un point de basculement s’accroît, et certains pourraient même se produire avec un réchauffement d’environ 1,5°C ou moins.9
Les inlandsis du Groenland et de l’Antarctique occidental sont des éléments importants du système Terre qui sont vulnérables au réchauffement climatique. Dans les deux régions, ils pourraient être proches des seuils de stabilité et commencer à s’effondrer à des niveaux de réchauffement compris entre 1,5°C et 2°C.9 L’effondrement de ces inlandsis contribuerait à l’élévation du niveau de la mer au cours des siècles à venir, menaçant les communautés côtières du monde entier.10
Il existe de grandes incertitudes quant aux fourchettes de température dans lesquelles les différents points de basculement peuvent se produire.9 Par exemple, un courant océanique appelé circulation méridienne de retournement Atlantique – ou AMOC – transporte la chaleur de l’Atlantique équatorial vers l’Europe du Nord, régulant ainsi les températures et jouant un rôle important dans le régime des précipitations mondiales. Les modèles suggèrent que l’AMOC pourrait s’effondrer à partir d’un réchauffement de 4°C, bien que certaines projections suggèrent que cela pourrait commencer bien plus tôt, même en dessous d’un réchauffement de 2°C.9
Le changement climatique deviendra-t-il ingérable au-delà de 1,5°C ou de 2°C?
Il n’existe pas de seuil de température globale incontestable au-delà duquel les risques climatiques deviendraient incontrôlables à l’échelle mondiale. Le monde est plutôt confronté à une pente de risque de plus en plus raide à mesure que les températures augmentent. Chaque dixième de degré de réchauffement éloigne les inlandsis, les forêts tropicales, les récifs coralliens et bien d’autres encore des conditions auparavant stables et augmente le risque qu’ils subissent des changements graves et potentiellement irréversibles.
Les impacts de ces changements ne seront toutefois pas ressentis de la même manière. Par exemple, la perte de récifs coralliens tropicaux ou l’effondrement d’un système agricole local pourraient avoir des effets dévastateurs sur les communautés qui en dépendent, mais n’auraient qu’un impact indirect sur les habitants d’autres régions du monde.
Si, à un moment donné, les décideurs politiques d’une région donnée jugent que les effets du changement climatique sont devenus invivables, ils peuvent se tourner vers les méthodes de réflexion de la lumière du soleil, également connues sous le nom de modification du rayonnement solaire (SRM), comme seul moyen potentiel d’arrêter ou d’inverser rapidement le réchauffement. Toutefois, ces idées comportent des risques et des effets secondaires qui leur sont propres, et leur développement et leur déploiement soulèveront une série de questions sociopolitiques.
Questions ouvertes
- Dans quelle mesure la MRS pourrait-elle être efficace pour prévenir les différents points de basculement du climat? Y en a-t-il qui pourraient être aggravés?
- cComment le monde réagira-t-il face à des risques climatiques de plus en plus intolérables dans certaines régions?
- Une nation puissante confrontée à des risques climatiques intolérables pourrait-elle déployer unilatéralement des mesures de MRS?
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Notes de fin d'ouvrage
- Perkins-Kirkpatrick S, Barriopedro D, Jha R, et al. (2024). Extreme terrestrial heat in 2023. Nature Reviews Earth and Environment; 5(4):244-6. https://doi.org/10.1038/s43017-024-00536-y
- Jain P, Barber QE, Taylor SW, et al. (2024) Drivers and Impacts of the Record-Breaking 2023 Wildfire Season in Canada. Nature Communications. 15(1):6764 https://doi.org/10.1038/s41467-024-51154-7
- Peters GP. (2024). Is limiting the temperature increase to 1.5° C still possible? Dialogues on Climate Change. 29768659241293218. https://doi.org/10.1177/29768659241293218
- Leduc M, Matthews HD, de Elía R. (2016). Regional estimates of the transient climate response to cumulative CO2 emissions. Nature Climate Change. 6(5):474-8. https://doi.org/10.1038/nclimate2913
- Yang J, Zhao L, Oleson K. (2023). Large humidity effects on urban heat exposure and cooling challenges under climate change. Environmental Research Letters; 18(4):044024. https://doi.org/10.1088/1748-9326/acc475
- Vanos J, Guzman-Echavarria G, Baldwin JW, et al. (2023). A physiological approach for assessing human survivability and liveability to heat in a changing climate. Nature communications. 14(1):7653. https://doi.org/10.1038/s41467-023-43121-5
- Hasegawa T, Wakatsuki H, Ju H, et al. (2022). A global dataset for the projected impacts of climate change on four major crops. Scientific data. 9(1):58 https://doi.org/10.1038/s41597-022-01150-7
- GIEC. (2022). Impacts of 1.5°C Global Warming on Natural and Human Systems. In: Global Warming of 1.5°C. Presses universitaires de Cambridge, p. 175 à 312. https://doi.org/10.1017/9781009157940.005
- McKay DIA, Staal A, Abrams JF, et al. (2022). Exceeding 1.5°C global warming could trigger multiple climate tipping points. Science. 377(6611):eabn7950. https://doi.org/10.1126/science.abn7950
- Golledge NR. (2020). Long‐term projections of sea‐level rise from ice sheets. Wiley Interdisciplinary Reviews: Climate Change. 11(2):e634. https://doi.org/10.1002/wcc.634
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