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Qu’est-ce que l’injection d’aérosols dans la stratosphère (IAS/SAI) ?
Le SAI/IAS est la méthode de réflexion de la lumière solaire la plus étudiée. Que faudrait-il faire pour utiliser le SAI afin de refroidir la planète ? Et qui pourrait le faire ?

Le 15 juin 1991, l’île de Luçon, aux Philippines, densément peuplée, s’est réveillée avec une explosion qui s’est avérée être la deuxième plus grande éruption volcanique du XXe siècle. Le mont Pinatubo est entré en éruption, libérant un énorme nuage de cendres volcaniques de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre et de 40 kilomètres de hauteur. Alors que les satellites suivaient la propagation du nuage de cendres autour du globe à plusieurs reprises, les scientifiques de l’atmosphère ont noté qu’au cours de l’année suivante, la température globale de la Terre avait diminué de jusqu’à un demi-degré Celsius. L’éruption a ajouté environ 17 millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère, une couche de l’atmosphère située entre 10 et 50 kilomètres au-dessus de la surface. Et ce soufre a continué à former d’innombrables minuscules particules d’aérosol. Dans la basse atmosphère, ces particules auraient été éliminées en quelques jours, mais comme la stratosphère est sèche et stable, elles ont perduré plusieurs années, réfléchissant la lumière et refroidissant la Terre.
L’effet de refroidissement climatique de cette éruption pourrait-il être répliqué pour contribuer à la lutte contre le changement climatique ? Dans cet épisode, nous nous focalisos sur les principes de base de la méthode de réflexion de la lumière solaire connue sous le nom d’injection d’aérosols dans la stratosphère (IAS/SAI), une idée de MRS qui semble pouvoir offrir un moyen pratique d’arrêter, voire d’inverser, le réchauffement climatique d’ici quelques années. Qu’est-ce que le SAI ? Que faudrait-il faire pour refroidir la planète ? Et qui pourrait le faire ?
Daniele Visioni, professeur adjoint de Sciences de la terre et de l’atmosphère à l’université de Cornell, et Joshua Horton, Senior Program Fellow à la John F. Kennedy School of Government de l’université de Harvard.
Transcription
Pete Irvine : [00:00:00] Bienvenue à Climate Reflections, le podcast SRM360, où nous discutons des méthodes de réflexion de la lumière du soleil, ou MRS, des idées pour réduire les impacts du changement climatique en réfléchissant la lumière solaire loin de la Terre. Je suis votre hôte, Dr. Pete Irvine, et je suis un climatologue qui étudie les MRS depuis 2009.
Le 15 juin 1991, l’île de Luçon, aux Philippines, densément peuplée, s’est réveillée avec une explosion qui s’est avérée être la deuxième plus grande éruption volcanique du XXe siècle. Le mont Pinatubo est entré en éruption, libérant un énorme nuage de cendres volcaniques de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre et de 40 kilomètres de hauteur. L’éruption a tué plus de 800 personnes et coûté plus de 700 millions de dollars en dégâts. Mais l’éruption a eu des répercussions bien au-delà de Luçon et des Philippines. Alors que les satellites suivaient la propagation du nuage de cendres autour du globe à plusieurs reprises, les scientifiques de l’atmosphère ont noté qu’au cours de l’année suivante, la [00:01:00] température globale de la Terre avait diminué de jusqu’à un demi-degré Celsius. L’éruption a ajouté environ 17 millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère, une couche de l’atmosphère située entre 10 et 50 kilomètres au-dessus de la surface. Et ce soufre a continué à former d’innombrables minuscules particules d’aérosol. Dans la basse atmosphère, ces particules auraient été éliminées en quelques jours, mais comme la stratosphère est sèche et stable, elles ont perduré plusieurs années, réfléchissant la lumière et refroidissant la Terre.
L’effet de refroidissement climatique de cette éruption pourrait-il être répliqué pour contribuer à la lutte contre le changement climatique ? Dans cet épisode, nous nous focalisos sur les principes de base de la méthode de réflexion de la lumière solaire connue sous le nom d’injection d’aérosols dans la stratosphère (IAS/SAI), une idée de MRS qui semble pouvoir offrir un moyen pratique d’arrêter, voire d’inverser, le réchauffement climatique d’ici quelques années.
Qu’est-ce que le SAI ? Que faudrait-il faire pour refroidir la planète ? Et qui pourrait le faire ? Pour répondre à ces questions fondamentales sur l’IAC(SAI, je me suis entretenu avec deux experts en MRS. Dr. Daniele Visioni, professeur adjoint [00:02:00] de Sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’université Cornell et Dr. Joshua Horton, Senior Program Fellow à la John F. Kennedy School of Government de l’université Harvard. Tout d’abord, tournons-nous vers le Dr Daniele Visioni, qui utilise des modèles climatiques pour étudier les effets des aérosols sur le climat, pour qu’il nous donne un aperçu technique du SAI/IAS et de la manière dont il pourrait refroidir la planète.
Dr. Daniele Visioni : L’idée de base est que, comme l’équilibre énergétique actuel de la planète, l’énergie entrante moins l’énergie sortante, est déséquilibré – il y a un peu trop d’énergie piégée dans le système qui réchauffe la planète. L’idée de l’IAS/SAI est que nous pouvons influer sur cet équilibre énergétique et nous assurer qu’il n’y aura pas trop de réchauffement futur en empêchant une partie du rayonnement solaire d’atteindre la surface grâce à l’utilisation d’aérosols dispersés dans la stratosphère, qui est une partie de l’atmosphère où il n’y a pas de nuages, il n’y a pas d’eau, tout est assez immobile. Et donc, si vous mettez des choses [00:03:00] là-haut, elles demeurent beaucoup, beaucoup plus longtemps en place que si elles étaient près de la surface.
Dr. Pete Irvine : Et comment cela se ferait-il ?
Daniele Visioni : Pour ce faire, il faut trouver des moyens d’atteindre la stratosphère et d’y libérer des matières. L’une des matières les plus discutées qui peuvent être utilisées est le sulfate, principalement parce que c’est ce que nous pouvons observer après une éruption volcanique, produisant en fait des aérosols et réfléchissant la lumière du soleil. Dans ce cas, on utiliserait probablement ce que l’on appelle un précurseur d’aérosol, de sorte que l’on ne rejetterait pas d’aérosols à proprement parler, mais une sorte de gaz comme le SO2 qui réagirait alors chimiquement avec d’autres éléments dans la stratosphère et produirait ces aérosols.
Dr. Pete Irvine : Vous libéreriez donc ces matières dans la stratosphère, qui se transformeraient en minuscules particules d’aérosol et réfléchiraient la lumière du soleil. Mais comment faire pour faire monter tout ça là-haut ?
Daniele Visioni : Fondamentalement, il faut donc trouver des moyens d’atteindre la stratosphère, qui est assez élevée. Cela ne fait pas partie de l’atmosphère dans laquelle nous [00:04:00] allons normalement, donc c’est à environ 16, 18, 20 kilomètres à basse latitude. Il peut s’agir de 10, 12, 13 kilomètres à une latitude élevée. Nous avons donc besoin d’instruments capables de transporter la charge utile jusqu’à cet endroit.
Pete Irvine : Daniele soulève un défi majeur. La mise en œuvre de cette stratégie pour refroidir la Terre nécessiterait l’acheminement de matériaux à très haute altitude. Pour pénétrer dans la stratosphère tropicale, ce qui serait nécessaire pour produire un effet de refroidissement global, il faudrait atteindre une altitude d’environ 60 000 pieds, soit 18 kilomètres. C’est environ deux fois la hauteur à laquelle vole un avion de ligne.
Que faudrait-il pour atteindre ces altitudes, et qui dispose de la capacité technologique de le faire ? J’ai demandé au Dr Josh Horton ce qu’il faudrait faire pour abaisser les températures mondiales avec l’IAS/SAI.
Joshua Horton : Pour effectuer l’un de ces grands déploiements à l’échelle planétaire, nous ne disposons pas d’une flotte d’avions en disponibilité pour lancer ces opérations. Nous avons besoin d’un avion capable de voler à très haute altitude, bien plus haut que la plupart des avions,[00:05:00] certainement plus haut que les avions commerciaux, et qui peut transporter de grosses charges utiles, beaucoup de soufre par exemple. Et, euh, il a besoin de moteurs très puissants pour voler à cette altitude pendant suffisamment longtemps pour disperser beaucoup de matériel, et nous n’avons pas vraiment de moteurs et d’avions prêts à l’emploi qui répondent à ces exigences. C’est donc un goulot d’étranglement, pourrait-on dire, en termes de ce qu’il faudrait pour passer de la situation actuelle à un avenir imaginé où nous serions en mesure de dire « Allez » et de lancer l’avion pour y parvenir.
Une poignée d’entreprises dans le monde, de grandes entreprises établies pour la plupart dans les pays du Nord, possèdent l’expertise nécessaire pour concevoir et construire ces avions et ces moteurs en particulier. Elles se trouvent principalement en Occident. Il y en a quelques-unes en Chine, en Russie, en Inde et au Brésil, mais elles sont très concentrées dans ces pays, en particulier aux États-Unis et en Europe occidentale. Ces entreprises [00:06:00] sont familières à de nombreuses personnes. Nous parlons de GE, de Pratt & Whitney, de Rolls Royce. Il s’agit d’entreprises connues, mais qui sont d’énormes sociétés aérospatiales qui ont la capacité de financer et d’orchestrer des programmes de conception décennaux à long terme pour repartir de zéro et construire le type de moteurs et d’avions dont nous parlons.
Par conséquent, si l’on réfléchit à ce qui est requis, à qui peut réaliser ce type de géoingénierie à grande échelle, il ne s’agit pas de n’importe quelle personne, ni même de n’importe quel milliardaire. Ce sont les gouvernements qui ont accès à ces entreprises aérospatiales et qui coopèrent avec elles, probablement dans le cadre d’engagements permanents. On peut donc considérer que ces entreprises sont presque des appendices de ces gouvernements. Ce ne sont pas vraiment des appendices, mais elles ne vont pas partir seules et lancer la géo-ingénierie, lancer l’IAS/SAI, car elles ont d’énormes quantités d’argent en jeu. La quantité d’argent qu’elles pourraient gagner en faisant cela, qui se chiffre en dizaines de milliards par an, n’est rien [00:07:00] en comparaison de l’argent qu’elles gagnent en vendant des bombardiers, des avions d’attaque, des roquettes et tout ce genre de choses, qui constituent en fait leur marché. Ainsi, elles ne mettraient jamais en péril ce type de revenus au nom du mépris des souhaits de leur gouvernement et ne se lanceraient dans une sorte de quête chimérique de géo-ingénierie de la planète.
Pete Irvine : Il convient probablement de souligner à ce stade que l’IAS/SAI n’est pas en cours et que nous ne disposons pas des avions nécessaires pour atteindre les hautes altitudes requises. Cela dit, il s’agit d’un aspect que nous pourrions vouloir développer au cours des prochaines décennies. L’Accord de Paris sur le climat a pour objectif de limiter le réchauffement à moins de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, et idéalement à moins de 1,5 degré,mais si les pays respectent leurs promesses de réduction des émissions de combustibles fossiles, nous raterons cet objectif et nous assisterons probablement à un réchauffement d’environ 2,5 degrés Celsius.. L’IAS/SAI pourrait-elle compenser cette différence ? Nous aider à limiter le réchauffement à 1,5 degré pendant que les pays décarbonent leurs économies. Nous avons interrogé Daniele sur le [00:08:00] potentiel de refroidissement de l’IAS/SAI.
Daniele Visioni : Nous savons donc que, oui, une certaine quantité d’aérosols dans la stratosphère permettrait, au niveau mondial, de réduire le déséquilibre énergétique et de refroidir la planète.
Maintenant, que nous soyons sur la voie de l’Accord de Paris ou non, c’est une autre affaire. Nous sommes certains que, si nous avions un moyen d’atteindre la stratosphère et de libérer les aérosols, ceux-ci auraient un effet refroidissant sur le climat. Ce dont nous ne sommes pas certains, c’est de la quantité exacte d’aérosols dont nous aurions besoin. Il y aurait des questions techniques très denses sur la manière d’évaluer l’ampleur du refroidissement, mais nous sommes également persuadés que, si nous mettons une certaine quantité d’aérosols, ils refroidiront.
Pete Irvine : Daniele a ensuite expliqué comment les endroits où les aérosols seraient libérés affecteraient le refroidissement de la Terre.
Daniele Visioni : Si vous colloquez les aérosols au-dessus du pôle Nord, ils n’atteindront pas le pôle Sud [00:09:00]. Vous ne faites donc que refroidir le pôle Nord ou à peu près. Si vous placez les aérosols sous les tropiques, ils y demeurent généralement pendant une longue période, ce qui signifie qu’ils refroidissent beaucoup les tropiques et qu’ils refroidiraient très peu les hautes latitudes, donc les pôles. Nous pouvons observer la circulation stratosphérique et nous savons où elle va, surtout en moyenne sur une décennie. Et nous savons donc où iraient les aérosols. Et la destination des aérosols pourrait conduire à des décisions sur les endroits où il faudrait refroidir.
Pete Irvine : Les simulations du modèle climatique de l’IAS/SAI montrent qu’elle ne peut pas annuler les effets du changement climatique. Bien qu’il semble que l’IAS/SAI puisse être déployée pour compenser le réchauffement futur dans la plupart des endroits, il ne serait pas possible de rétablir les régimes de précipitations. L’IAS/SAI pourrait réduire les changements globaux des précipitations, mais certaines régions connaîtraient des fluctuations plus importantes de la pluviométrie et pourraient en souffrir.
Les simulations de modèles de nuages montrent également que le choix de l’endroit où les particules d’aérosols sont libérées dans la stratosphère aurait une incidence sur le régime des précipitations. Par exemple, si les aérosols n’étaient ajoutés qu’à un seul [00:10:00]hémisphère, les précipitations tropicales et les moussons s’en trouveraient fortement modifiées. Ce serait une très mauvaise idée, mais on pourrait l’éviter en refroidissant chaque hémisphère de manière égale.
L’IAS(SAI n’affecterait pas seulement le climat, elle a un certain nombre d’effets secondaires, comme l’augmentation des pluies acides et l’impact sur la couche d’ozone. Nous avons demandé à Daniele quels seraient les risques et les compromis d’un déploiement raisonnable de l’IAS/SAI, et comment ils se compareraient aux risques du seul changement climatique
Daniele Visioni : Nous n’avons pas encore trouvé de cas où les risques liés à l’IAS/SAI l’emporteraient sur ceux liés au changement climatique. D’un point de vue purement physique, et dans le cadre d’un déploiement idéalisé, je pense que toutes les recherches effectuées au cours des 20 dernières années indiquent qu’il est toujours préférable de réduire le réchauffement à l’avenir. Le problème est que nous ne vivons pas dans un monde parfait et idéalisé.
En ce qui concerne les risques géopolitiques, je pense que cela fait encore l’objet de nombreux débats. Lorsque nous simulons cela dans nos modèles climatiques, nous n’avons pas besoin de [00:11:00] demander la permission des pays. Il n’est pas nécessaire de penser à des bases aériennes et à des avions, il suffit de colloquer le matériel dans la stratosphère et de partir de là. Bien sûr, si vous imaginez que cela se passe dans le monde réel, il y a des tonnes d’obstacles entre la version idéalisée et la version réelle. Les pays se mettraient-ils d’accord sur les quantités, les lieux et tout le reste ? C’est donc en quelque sorte le premier problème principal. Certaines recherches indiquent également que différents pays bénéficieraient différemment de différents niveaux de refroidissement.
Il y a donc clairement un premier problème qui se pose : comment travailler ensemble ? Avez-vous besoin d’une coopération mondiale, car nous ne sommes pas très bons dans ce domaine ? Peut-on se contenter de laisser quelques pays puissants décider, mais ces pays feront-ils alors ce qui est le mieux pour la plupart des habitants de la planète ? Et que faire si un pays dit, écoutez, la version parfaite ne va pas fonctionner, mais nous allons quand même l’implémenter parce que nous pensons que c’est la meilleure pour nous ? [00:12:00]
C’est donc en quelque sorte l’un des principaux problèmes. L’autre chose que je dirais, c’est que lorsque nous réfléchissons au changement climatique et à l’IAS/SAI dans nos modèles climatiques, nous pouvons réaliser nos expériences des dizaines, des centaines de fois, et pouvons toujours dire les choses d’une manière très définitive. Dans le monde réel, les choses sont plus compliquées. Il s’agit donc d’une autre question importante, très importante, qui se situe entre la version idéalisée et la version réelle de l’IAS/SAI.
Pete Irvine : Ainsi, dans le monde idéal d’un modèle climatique, un déploiement judicieux de l’IAS/SAI pourrait refroidir la planète, atténuant ainsi certains des risques liés au réchauffement. Mais comme l’a dit Daniele, nous ne vivons pas dans ce monde idéal.
Pour revenir au monde réel, tournons-nous vers Josh et penchons-nous sur ce qu’il faudrait faire pour déployer l’IAS/SAI et combien cela coûterait.
Dr Joshua Horton : Qu’est-ce qu’il faut pour exécuter une IAS/SAI ? Cela dépend de ce que l’on veut faire avec l’injection d’aérosols dans la stratosphère. Il serait possible de mettre en place une intervention planétaire à grande échelle [00:13:00] qui durerait des décennies et chercherait à abaisser les températures d’un degré Celsius.
D’un autre côté, vous pouvez vous contenter d’une simple cascade. En théorie, un pays, une entreprise ou une personne pourrait sortir et lancer du matériel une seule fois, en sachant que cela n’entraînera pas d’effets durables, mais comme moyen d’attirer l’attention sur le problème. Il existe une grande variété de scénarios que vous pouvez imaginer entre ces deux extrémités du spectre.
On pourrait donc imaginer qu’un pays procède aujourd’hui à des déploiements de très petite envergure, semblables à des cascades. Pas de façon continue, pas une flotte entière, juste un ou deux avions. J’imagine que cela pourrait coûter moins d’un milliard de dollars, bien que personne ne le sache vraiment, mais cela semble plus réalisable que les déploiements à grande échelle auxquels nous pensons habituellement, c’est-à-dire l’idée d’un effort planétaire qui prendrait des décennies et une flotte d’avions, disons des centaines d’avions, [00:14:00] lancés à partir de plusieurs endroits dans le monde, presque certainement à la fois pour l’hémisphère nord et l’hémisphère sud. Selon les meilleures estimations, cela coûterait des dizaines de milliards de dollars par an.
Bien entendu, l’IAS(SAI présente également des inconvénients. Il ne s’agit donc pas de dépenser 10 milliards d’euros par an et de résoudre des problèmes, mais de ne pas le faire. Vous avez réglé certains problèmes, vous en avez peut-être causé d’autres et vous avez certainement suscité la controverse. Il y a donc beaucoup de réserves à ce sujet.
Dr. Pete Irvine : Pourriez-vous expliquer quels seraient certains de ces problèmes ou controverses ?
Joshua Horton : La possibilité ou la probabilité que des pays s’attendent à être indemnisés s’ils estiment avoir été lésés par un aspect quelconque de la géo-ingénierie ou du déploiement d’IAS/SAI est un élément important. Un pays peut prétendre qu’une mousson a été pire qu’elle ne l’aurait été en temps normal, qu’elle a causé plus de dégâts que ce à quoi on aurait pu s’attendre sans l’IAS/SAI et qu’il devrait donc [00:15:00] recevoir une certaine somme d’argent de la part de la communauté internationale ou des pays qui mettent en œuvre l’IAS/SAI. Il y a donc des coûts indirects qui pourraient être bien plus importants que les coûts relativement modestes impliqués, semble-t-il, dans la mise en œuvre de l’IAS/SAI au sens direct du terme.
Pete Irvine : Pour résumer, Josh pense qu’il est peu probable que les entreprises ou les particuliers puissent mettre en œuvre l’IAS/SAI à grande échelle. Le développement d’un programme IAS/SAI pour refroidir la planète requerrait la mise au point d’un nouvel avion, ou d’une autre technologie, capable d’envoyer de grandes quantités de matériel dans la stratosphère. Le coût direct de cette opération serait de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards de dollars par an et impliquerait probablement des technologies restreintes pour des raisons de sécurité nationale. Cela signifie que ce serait hors de portée des individus, des entreprises ou même des petits pays. Si des dizaines de milliards de dollars représentent beaucoup d’argent, ils sont dérisoires par rapport aux investissements nécessaires pour décarboner l’économie. D’ici le milieu du siècle, on estime que ce chiffre dépassera les 9 000 milliards par an.
Revenant à Josh, j’ai posé la question suivante : si un pays ou un groupe de pays puissant [00:16:00] décidait de développer et de déployer des IAS/SAI à grande échelle, dans combien de temps pourraient-ils le faire ?
Dr Joshua Horton : Vous savez, il n’y a pas de règles strictes ou rapides, mais je crois comprendre que le cycle de développement pour ces grandes entreprises aérospatiales est d’au moins une décennie.
Ce qu’il faut donc développer, c’est avant tout des moteurs suffisamment puissants pour transporter du matériel jusqu’à la stratosphère. Donc, un programme de moteur, pour le développer, le faire décoller et le tester et bien sûr, la confiance dans ces moteurs, je pense que cela prendrait au moins 10 ans, peut-être 20. Cela pourrait se faire en parallèle avec le programme de conception et de développement de l’avion lui-même auquel les moteurs seraient attachés, ce qui n’est pas aussi difficile, techniquement parlant, mais nous ne disposons toujours pas d’avions d’une capacité aussi élevée, conçus pour voler aussi haut pendant aussi longtemps. Et cela prendrait, encore une fois, peut-être une décennie pour développer l’avion en parallèle avec les moteurs. Disons donc, pour être un peu plus réaliste, une vingtaine d’années. Je ne dis pas que cela va se produire dans vingt ans, mais d’après ce que je comprends, sur une période de vingt ans, si les grands gouvernements prenaient des mesures vraiment déterminées pour investir de l’argent et organiser les choses sur un pied de guerre, on pourrait disposer d’une flotte de plusieurs centaines d’unités, disons, d’ici 20 ou 25 ans. Ce n’est donc pas pour demain, mais certainement pour le milieu du siècle.
Dr Pete Irvine : 20 à 25 ans, c’est long. Toutefois, comme l’explique Josh, certaines mesures pourraient être prises en vue d’un déploiement pendant que ces nouveaux aéronefs sont en cours de développement.
Joshua Horton : Pendant la période intermédiaire, il y a toute une série de choses que l’on peut faire pour accélérer le déploiement.
Les avions sont en cours de modernisation et de renforcement pour être en quelque sorte utilisables, même s’il ne s’agit pas d’une solution à long terme. Cela ne veut donc pas dire qu’il faudra commencer seulement en 2050. Vous pourriez en quelque sorte y parvenir en utilisant le type de correctifs techniques et de solutions de rechange qui ne seraient pas optimaux, mais pourraient vous y amener. Mais pour ce qui est de l’horizon, vous savez, ce point de distance pour ce qui est de ce que nous devons faire [00:18:00] aujourd’hui, si nous voulons nous assurer que nous pourrons le faire dans 25 ans, eh bien, je pense que c’est une bonne question.
Je veux dire que j’hésite à dire que nous devrions commencer à développer des moteurs ou des avions à ce stade, parce que je pense que c’est tout simplement, pour être honnête, terriblement prématuré. La science n’est pas au rendez-vous. Il n’y a pas de consensus entre les scientifiques, et encore moins entre les parties prenantes. J’hésite donc à soutenir le genre de programmes d’ingénierie et de développement technique qui seraient nécessaires pour pouvoir disposer de cette flotte au milieu du siècle. C’est donc un peu un dilemme, je suppose. Je suppose que cela témoigne du besoin urgent de faire beaucoup plus de science fondamentale très, très rapidement, afin que, si les choses s’avèrent aussi prometteuses qu’elles le sont parfois, nous puissions commencer à mettre ces roues en mouvement, sachant qu’il faudra une décennie ou deux pour pouvoir disposer d’une flotte disponible pour le faire [00:19:00]de manière sûre et responsable.
Pete Irvine : Étant donné que le déploiement de l’IAS/SAI aurait des répercussions mondiales, les gouvernements devraient-ils en discuter dès maintenant ?
Joshua Horton : Je pense qu’il est prématuré d’entamer des discussions formelles entre les gouvernements à ce stade, car la prise de conscience n’est pas suffisante. Il y a trop de controverses et aucun gouvernement ne veut vraiment prendre place et en parler longuement parce qu’il ne sait pas vraiment de quoi il parle et qu’il y a, euh, beaucoup de controverses et d’inconvénients à le faire.
Je ne pense donc pas qu’une discussion publique formelle autour d’une table de réunion avec des représentants du gouvernement soit très utile à ce stade. Je pense qu’il serait impossible d’y parvenir, pour de bonnes raisons, mais je pense que le moment est venu de mener des discussions informelles. Des discussions entre ceux qui ne sont peut-être pas actuellement au gouvernement mais qui ont les numéros de téléphone de gens au gouvernement et qui seraient très curieux de connaître leurs conversations avec leurs homologues dans d’autres pays.
Il s’agit donc d’un ensemble de discussions auxquelles, encore une fois, les fonctionnaires officiels ne participent pas, mais auxquelles participent des personnes de confiance, [00:20:00] des experts, que ce soit dans des universités, dans l’industrie ou dans des ONG. Parler de façon informelle, mais sérieuse, et essayer d’établir les bases, et encore une fois, construire une compréhension commune de la façon dont les différents pays voient les choses, comment ils comprennent les risques, les possibilités, les avantages potentiels.
Je pense que les conversations informelles, non gouvernementales, mais qui permettent de se connecter au gouvernement, sont tout à fait appropriées aujourd’hui. Nous sommes peut-être encore un peu loin d’une telle réalisation à ce stade, mais nous en sommes bien plus proches que de discussions formelles entre gouvernements.
Dr Pete Irvine : Que diriez-vous aux responsables gouvernementaux à propos du rôle potentiel que l’IAS/SAI ou d’autres méthodes de réflexion de la lumière du soleil pourraient jouer dans la lutte contre le changement climatique ?
Dr Joshua Horton : La seule façon de résoudre le problème climatique est de décarboner à la fois l’économie et l’atmosphère. C’est la solution ! IAS/SAI, MRS, ce ne sont pas vraiment des solutions [00:21:00], ce sont des réponses aux symptômes du problème. Cela pourrait être très bénéfique, mais en réalité, ils ne s’attaquent qu’aux pires conséquences. Donc, disons que c’est… un pansement.
Cela pourrait être un pansement très efficace, mais qui ne résoudra pas le problème à terme. Vous ne pouvez donc pas vraiment remplacer l’un par l’autre. La seule façon de résoudre réellement le problème est de décarboner.
Pete Irvine : C’en est tout pour cet épisode de Réflexions sur le climat. Merci de nous avoir écoutés . Nous reviendrons encore et toujours sur l’injection d’aérosols dans la stratosphère dans les prochains épisodes, car il y a beaucoup à dire sur cette idée, notamment sur les risques environnementaux potentiels et les questions géopolitiques qu’elle soulève.
Merci de nous avoir accompagnés jusqu’au bout. Il s’agit d’un nouveau podcast et nous espérons développer notre audience. Si vous l’avez apprécié, n’hésitez pas à le partager sur les réseaux sociaux ou à le recommander à un ami. Et si vous avez une question sur la MRS, ou si vous souhaitez simplement en savoir plus, rendez-vous sur notre site Web, SRM360.org. Nous répondons aux questions du public dans notre podcast mensuel sur l’actualité. Vous pourriez donc y trouver la réponse à votre question. [00:22:00] Vous trouverez une transcription de l’épisode d’aujourd’hui avec des liens vers les sources sur notre site Web, alors n’hésitez pas à y jeter un coup d’œil.
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