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La MRS ne permet pas de lutter contre l’acidification des océans

Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) sont le principal moteur du réchauffement climatique, mais le CO2 pose également un autre problème: il acidifie les océans du monde. L’acidification des océans nuit aux écosystèmes marins et aux communautés qui en dépendent. Les méthodes de réflexion de la lumière du soleil ou de modification du rayonnement solaire (MRS) peuvent contribuer à compenser le réchauffement climatique, mais elles ne contribueraient guère à lutter directement contre l’acidification des océans.

Principaux points à retenir:

  • Le CO2 acidifie l'océan en plus de réchauffer la planète.
  • L'acidification des océans nuit aux organismes marins, en particulier à ceux qui constituent la base des réseaux trophiques océaniques, et nuit aux personnes qui dépendent de l'océan pour leur alimentation et leurs moyens de subsistance.
  • Le recours à la MRS pour réduire le réchauffement ne permet pas de remédier directement aux effets néfastes de l'acidification des océans.

Les émissions de
CO2 principal facteur du changement climatique causé par l’homme, ont également acidifié les océans depuis le début de la révolution industrielle. L’acidification des océans est le résultat de réactions chimiques entre le CO2 de l’air et de l’eau qui rendent les composés essentiels à la formation des coquilles moins disponibles pour les organismes marins, ce qui affaiblit leur squelette et leur coquille. Cela menacerait les fondements des réseaux alimentaires marins et aurait un impact sur les activités de pêche commerciale et indigène,1 les moyens de subsistance de 300 millions de personnes et une source majeure de protéines pour plus de la moitié de la population mondiale.2

Aujourd’hui, le pH moyen de l’océan3 est d’environ 8,05. Bien que l’eau de merait un pH supérieur à 7 et soit donc alcaline, elle est plus acide qu’elle ne l’a jamais été au cours des 2 derniers millions d’années et elle est au moins 25 % plus acide aujourd’hui qu’avant la révolution industrielle.

Les méthodes de réflexion de la lumière du soleil MRS) comme la diffusion d’aérosols stratosphériques (SAI) ne peuvent pas résoudre directement le problème de l’acidification des océans. En revanche, le MRS pourrait renforcer la capacité de certains écosystèmes terrestres à retenir le carbone, ce qui réduirait le CO2 dans l’atmosphère.4 Cependant, le CO2 se dissout plus facilement dans l’eau froide. Cette solubilité accrue du CO2 pourrait annuler tout avantage de la MRS sur le cycle du carbone et entraîner une augmentation de l’acidité à des profondeurs océaniques plus importantes.5

Acidification des océans et vie marine

Effets des eaux acides sur les coquilles des ptéropodes, de minuscules mollusques marins:

Healthy shell

Smoothly contoured shell ridges

Clear, glasslike shell

Unhealthy shell

Ragged, dissolving shell ridges

Cloudy shell

Severe abrasions and weak spots

Unhealthy shell

healthy shell

Smoothly contoured shell ridges

Ragged, dissolving shell ridges

Clear, glasslike shell

Cloudy shell

Severe abrasions and weak spots

Healthy shell

Unhealthy shell

Smoothly contoured shell ridges

Ragged, dissolving shell ridges

Clear, glasslike shell

Severe abrasions and weak spots

Cloudy shell

Source and images: NOAA

La chimie de l’acidification des océans

L’océan absorbe le CO2 à sa surface, ce qui représente environ 25 % des émissions de CO2 d’origine humaine par an.6 La capacité de l’océan à absorber le CO2 en fait le deuxième plus grand réservoir de carbone après la terre ferme, ce qui atténue partiellement les effets du réchauffement dû à la combustion des combustibles fossiles..7 Cependant, l’accumulation de CO2 dans l’océan depuis le début de la révolution industrielle a affecté la composition chimique de l’eau de mer et la vie marine.

Lorsque le CO2 atmosphérique se dissout dans l’eau, il réagit pour former de l’acide carbonique (H2CO3) – la substance qui donne à l’eau gazeuse son goût prononcé ou acide. L’augmentation des émissions de CO2 s’accompagne d’une augmentation de l’acide carbonique dans les océans, ce qui les rend plus acides.8

Une fois que le CO2 réagit avec l’eau, formant l’acide carbonique, une série de réactions chimiques se produit. Ces réactions chimiques finissent par diminuer l’abondance relative des ions carbonate (CO32−), que les organismes à coquille utilisent pour construire leur coquille.9

Les modèles prévoient que l’acidité des océans continuera à augmenter. D’ici la fin du XXIe siècle, les modèles prévoient que le pH diminuera d’environ 0,01 si les émissions sont réduites de manière significative (scénario SSP1-1.9) ou d’environ 0,39 dans un scénario de très fortes émissions (scénario SSP5-8.5).10 L’augmentation de l’acidité de l’eau pourrait entraîner la disparition massive des récifs coralliens et aggraver les dégâts causés à d’autres écosystèmes marins.7

Les impacts environnementaux coûteux de l’acidification des océans

L’acidification des océans, de par ses effets sur les organismes à coquille, a pour conséquence ultime d’affecter les personnes et les secteurs d’activité liés aux océans. L’acidification accrue des océans nuit aux espèces, notamment les fruits de mer et les minuscules organismes qui constituent la base du réseau alimentaire marin, en entravant la formation et le développement de leurs coquilles.11 Les coquilles s’amincissent ou se dissolvent.9

Les impacts sur les crustacés affectent d’autres animaux qui dépendent d’eux pour se nourrir, y compris l’homme. À l’échelle mondiale, les pertes économiques enregistrées uniquement dans l’industrie des fruits de mer sont estimées entre 6 et 100milliards de dollars par an d’ici 2100.1 La réduction des fruits de mer aura également des répercussions importantes sur les populations indigènes et rurales..1

L’acidification des océans a des effets supplémentaires sur les concentrations de polluants nocifs que les poissons accumulent et qui, en fin de compte, constituent une menace pour la santé humaine. Par exemple, les poissons des eaux acidifiées accumulent plus de mercure, d’aluminium, de fer, de zinc, de cuivre et de plomb dans leurs tissus, ce qui présente un risque d’empoisonnement pour les personnes qui dépendent du poisson pour leurs protéines.2

A person stood over piles of oysters with a body of water in the background.

Un pêcheur triant les huîtres.

Les récifs coralliens sont également menacés par le réchauffement climatique et l’acidification des océans. Dans le monde entier, on estime que 500 millions de personnes dépendent des récifs coralliens pour leur alimentation, la protection de leurs côtes et leurs revenus.1 Bien qu’il soit difficile d’attribuer un coût à ces précieux « services écosystémiques« , les estimations varient entre 29,8 et 376 milliards de dollars par an.1

La MRS ne peut pas résoudre directement le problème de l’acidification des océans

La capacité des océans à stocker le carbone évolue en fonction des changements climatiques. L’acidification croissante, le réchauffement des océans et les changements dans le régime des vents et des tempêtes modifient la quantité de CO2 que l’océan peut absorber et stocker..12,13 Si des mesures ne sont pas prises, la capacité des océans à stocker le carbone risque de s’affaiblir au fur et à mesure que le climat continuera de changer.14 Il en résulterait une augmentation du CO2 dans l’atmosphère et un réchauffement accru.

Les méthodes proposées en matière de réflexion de la lumière du soleil (MRS), comme la diffusion d’aérosols stratosphériques (SAI), ne devraient pas avoir d’impact direct sur l’acidification des océans, mais pourraient avoir des effets indirects dans le cadre du cycle planétaire du carbone, c’est-à-dire le flux d’atomes de carbone entre les océans, l’atmosphère et les continents.5 La MRS pourrait réduire le réchauffement, en améliorant la capacité des réservoirs de carbone non marins à retenir le carbone ou à éliminer le CO2 de l’air. Par exemple, en freinant le réchauffement de l’Arctique, la SAI pourrait ralentir la fonte du pergélisol et la perte consécutive de carbone dans l’atmosphère.4 En outre, la SAI, en diffusant la lumière, pourrait renforcer la capacité des plantes à absorber le CO2 de l’atmosphère.5

La MRS pourrait modifier les proportions de l’acidité dans l’océan, contrairement à ce qui se passerait dans un climat sans déploiement de MRS. En l’absence de MRS, les courants océaniques qui transportent le CO2 vers les profondeurs de l’océan devraient s’affaiblir. Dans le cas contraire, ces courants devraient rester forts.15 Par conséquent, l’effet direct de la MRS sur la planète dont le taux de CO2 est élevé se traduirait probablement par une faible réduction de l’acidité à la surface de l’océan et une augmentation de l’acidité dans les grandes profondeurs.5

Pour lutter contre l’acidification croissante des océans, il faudrait éliminer les émissions de CO2 et, pour inverser la tendance, déployer à grande échelle des méthodes d’élimination du dioxyde de carbone (CO2) afin de le stocker en toute sécurité loin de l’atmosphère et des océans.5

Questions ouvertes

  • Dans quelle mesure la MRS pourrait-elle contrecarrer les rétroactions du cycle du carbone liées au réchauffement climatique, comme la fonte du pergélisol?
  • Comment les modifications de la circulation océanique dans le cadre du changement climatique et de la MRS affecteront-elles l'acidification des grands fonds marins?
  • Les effets de l'acidification des océans sont-ils plus ou moins néfastes que ceux du réchauffement climatique pour les différents écosystèmes océaniques?

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Notes de fin d'ouvrage

  1. Doney SC, Shallin Busch D, Cooley SR, et al. (2020). Annual Review of Environment and Resources The Impacts of Ocean Acidification on Marine Ecosystems and Reliant Human Communities. https://doi.org/10.1146/annurev-environ-012320-083019
  2. Falkenberg LJ, Bellerby RGJ, Connell SD, et al. (2020). Ocean acidification and human health. International Journal of Environmental Research and Public Health. MDPI AG. https://doi.org/10.3390/ijerph17124563
  3. L’acidité est mesurée sur l’échelle du pH, qui va de 0 à 14. Un pH de 7 est neutre. Un pH supérieur à 7 est alcalin, tandis qu’un pH inférieur à 7 est acide. L’échelle du pH étant logarithmique, l’acide gastrique (pH d’environ 1) est 10 fois plus acide que le jus de citron (pH d’environ 2) et 10 000 fois plus acide que le café (pH d’environ 5). 
  4. Zhao M, Cao L, Visioni D, et al. (2024). Carbon Cycle Response to Stratospheric Aerosol Injection With Multiple Temperature Stabilization Targets and Strategies. Earth’s Future, 12(6). https://doi.org/10.1029/2024EF004474
  5. Cao L. (2018). The Effects of Solar Radiation Management on the Carbon Cycle. Current Climate Change Reports, 4(1), 41–50. https://doi.org/10.1007/s40641-018-0088-z
  6. Watson AJ, Schuster U, Shutler JD, et al. (2020). Revised estimates of ocean-atmosphere CO2 flux are consistent with ocean carbon inventory. Nature Communications, 11(1). https://doi.org/10.1038/s41467-020-18203-3
  7. Devries T. (2022). Annual Review of Environment and Resources The Ocean Carbon Cycle. Annual Review Of Environment and Resources, 47, 317–341. https://doi.org/10.1146/annurev-environ-120920-111307
  8. Doney SC, Fabry VJ, Feely RA, et al. (2009). Ocean acidification: The other CO2 problem. Annual Review of Marine Science. https://doi.org/10.1146/annurev.marine.010908.163834
  9. Osborne EB, Thunell RC, Gruber N, et al. (2020). Decadal variability in twentieth-century ocean acidification in the California Current Ecosystem. Nature Geoscience, 13(1), 43–49. https://doi.org/10.1038/s41561-019-0499-z
  10. Jiang LQ, Dunne J, Carter BR, et al. (2023). Global Surface Ocean Acidification Indicators From 1750 to 2100. Journal of Advances in Modeling Earth Systems, 15(3). https://doi.org/10.1029/2022MS003563
  11. Bednaršek N, Feely RA, Reum JCP, et al. (2014). Limacina helicina shell dissolution as an indicator of declining habitat suitability owing to ocean acidification in the California Current Ecosystem. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 281(1785). https://doi.org/10.1098/rspb.2014.0123
  12. Gruber N, Bakker DCE, DeVries T, et al. (2023). Trends and variability in the ocean carbon sink. Nature Reviews Earth & Environment, 4, 119–134. https://doi.org/10.1038/s43017-022-00381-x
  13. Nicholson SA, Whitt DB, Fer I, et al. (2022). Storms drive outgassing of CO2 in the subpolar Southern Ocean. Nature Communications, 13(1). https://doi.org/10.1038/s41467-021-27780-w
  14. Arora VK, Katavouta A, Williams RG, et al. (2020). Carbon-concentration and carbon-climate feedbacks in CMIP6 models and their comparison to CMIP5 models. Biogeosciences, 17(16), 4173–4222. https://doi.org/10.5194/bg-17-4173-2020
  15. Hong Y, Moore JC, Jevrejeva S, et al. (2017). Impact of the GeoMIP G1 sunshade geoengineering experiment on the Atlantic meridional overturning circulation. Environmental Research Letters, 12(3), 034009. https://doi.org/10.1088/1748-9326/aa5fb8

Citation

Kimberly Samuels-Crow (2024) - "La MRS ne permet pas de lutter contre l’acidification des océans" Publié en ligne sur SRM360.org. Récupéré de : 'https://srm360.org/fr/article/la-mrs-ne-permet-pas-de-lutter-contre-lacidification-des-oceans/' [Ressource en ligne]

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