Les scientifiques sauront-ils si la MRS est à l’origine de conditions météorologiques extrêmes?

Imaginez le monde dans un futur proche. Cela fait cinq ans qu’une diffusion d’aérosols stratosphériques (SAI) a été effectuée. Elle a déjà permis de freiner le réchauffement de la planète et est en passe de faire baisser la température mondiale dans les années à venir. Pour atteindre cet objectif, l’ampleur de la SAI continuera de croître afin de compenser l’effet de réchauffement des émissions de gaz à effet de serre qui se poursuivent, même si elles sont en baisse.

Supposons qu’en dépit du succès de la SAI dans la diminution du réchauffement climatique, des records en termes de température continuent d’être enregistrés au niveau local et régional. Lorsqu’une vague de chaleur record frappe l’Europe du Nord et que la mousson en Asie du Sud-Est apporte beaucoup moins de pluie que d’habitude, les décideurs politiques se demandent si la SAI a aggravé ces phénomènes extrêmes et s’ils doivent continuer à soutenir son déploiement.

Bien que ce scénario soit hypothétique, il est inévitable que tout déploiement de MRS soit suivi d’événements météorologiques extrêmes, dont certains pourraient être sans précédent. La baisse des températures après la mise en œuvre de la MRS pourrait réduire l’intensité des vagues de chaleur et des précipitations extrêmes​,¹ bien que des changements dans les régimes pluviométriques puissent signifier que certaines régions subissent moins de sécheresse et d’autres davantage sous l’effet de la MRS.²

Quels types de réponses les scientifiques pourraient-ils apporter aux décideurs politiques qui s’interrogent sur le rôle joué par la MRS dans ces événements extrêmes?

Détection et attribution des changements climatiques

Pour déterminer si l’utilisation de la MRS a réduit ou aggravé un phénomène météorologique extrême observé il faut recourir à des méthodes de détection et d’attribution. Ces méthodes permettent d’identifier les tendances des conditions climatiques moyennes et les changements liés aux événements extrêmes, ainsi que leurs facteurs potentiels.

Déterminer que les températures mondiales ont changé est un exemple de détection. Les scientifiques sont convaincus d’avoir détecté cette tendance, car l’évolution de la température globale se distingue clairement du « bruit » des variations naturelles d’année en année.

Une fois qu’une tendance climatique est détectée, avec certitude, le changement climatique peut être attribué à une cause quelconque.³ Les méthodes d’attribution s’appuient sur des modèles climatiques plutôt que sur les observations uniquement.

En comparant les simulations des modèles climatiques avec le facteur d’intérêt inclus et exclu, il est possible de déterminer la contribution de ce facteur à la tendance observée. Les scénarios qui excluent l’influence humaine ne parviennent pas à reproduire la tendance de réchauffement climatique observée. En utilisant ces méthodes, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a attribué le réchauffement de la planète à l’influence humaine et a déclaré que cela était sans équivoque.⁴

Déterminer le rôle du changement climatique dans les phénomènes météorologiques extrêmes

Les techniques de détection et d’attribution peuvent être appliquées aux phénomènes météorologiques extrêmes dans le cadre d’un processus connu sous le nom d’attribution d’événements. En comparant les statistiques de certains événements météorologiques dans des scénarios modélisés avec et sans influence humaine, il est possible de déterminer dans quelle mesure l’influence humaine a affecté l’intensité de l’événement. Il est alors possible de calculer le changement dans la probabilité de voir se produire un cas extrême de la même ampleur que celui qui a été observé.

L’attribution est plus directe lorsqu’il existe un lien clair avec le réchauffement et une tendance relativement importante par rapport aux variations d’année en année. Par exemple, les scientifiques ont déterminé que le changement climatique augmentait la probabilité de chaleur extrême comme celle observée au Mexique, au Guatemala, au Honduras et dans le sud-ouest des États-Unis au début de l’été 2024.

Il est plus difficile d’attribuer les conditions extrêmes de précipitations au changement climatique en raison des grandes variations d’une année à l’autre en la matière et de la complexité de leur relation avec le changement climatique. En 2022, des inondations dévastatrices ont submergé environ un tiers du Pakistan, touchant environ 33 millions de personnes. Les études ont montré que le changement climatique augmentait la probabilité de fortes précipitations, mais qu’il existait des facteurs aggravants⁵ et de grandes incertitudes entre les différents modèles,⁶ ce qui met en évidence les complications liées à l’attribution des précipitations extrêmes au changement climatique.

Si la MRS était utilisée, il y aurait toujours des phénomènes météorologiques extrêmes

Cet article commence par un scénario hypothétique dans lequel les futurs décideurs politiques sont confrontés à une vague de chaleur en Europe du Nord et à une sécheresse en Asie du Sud-Est à la suite du déploiement des systèmes de MRS. Ce type de situation sera inévitable au cours des premières années d’un éventuel déploiement de systèmes de MRS, car les conditions météorologiques extrêmes continueront probablement à atteindre des niveaux record, quelle que soit la manière dont les systèmes de MRS sont utilisés.⁷

S’il est naturel de penser que le MRS en est responsable, il faudrait que les responsables politiques sachent si ces événements extrêmes n’auraient pas été encore plus graves sans la MRS. Heureusement, les scientifiques disposent des outils nécessaires pour évaluer cette question et seront en mesure d’estimer si et dans quelle mesure la MRS a freiné ou aggravé tel ou tel phénomène météorologique extrême.

Toutefois, si certains phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, seront plus faciles à évaluer, d’autres événements extrêmes, tels que les sécheresses et les tempêtes le seront beaucoup moins. Ainsi, si les scientifiques sont convaincus que la vague de chaleur en Europe du Nord aurait été encore plus grave sans la MRS, ils peuvent être beaucoup moins sûrs du rôle de la MRS dans la sécheresse en Asie du Sud-Est.

Si les chercheurs peuvent faire des prévisions fiables sur les principaux effets de la MRS, il ne sera jamais possible de connaître tous les effets de la MRS avec certitude, que ce soit à l’avance ou après coup.⁸ Cependant, il en va de même pour le changement climatique, ce qui n’a pas empêché les décideurs politiques de prendre des mesures. Néanmoins, dans le cas de la MRS, la question de la responsabilité pour les dommages peut signifier que ces incertitudes posent un problème beaucoup plus grand.